Caractérisation, délimitation et suivi des milieux humides

Les milieux humides : terrains inutiles ou richesse essentielle?

Bien qu’il existe une diversité de milieux humides, ces écosystèmes souvent négligés ont un point commun : ils offrent aux communautés environnantes des services écologiques importants. Malheureusement, ces services sont généralement méconnus du public. Ces étendues naturelles sont fréquemment mal identifiées, ce qui engendre de nombreuses complications, notamment pour le développement du territoire. C’est pourquoi beaucoup de gens les voient encore comme des terres nuisibles, voire inutiles… C’est pourtant tout le contraire!

Pour vous familiariser avec la dynamique des milieux humides et les nombreux services que ces derniers nous rendent, sachez que le Ministère de l’Environnement et de la Lutte aux changements climatiques reconnait ces services écologiques comme étant « indéniablement un moteur pour l’économie locale, régionale, nationale et mondiale. »

Mais quels sont ces services exactement?

 « Au sein des services écologiques que l’on attribue aux milieux humides, on distingue les services hydrologiques, dont l’atténuation des crues, le maintien des débits en période d’étiage, la recharge de l’eau souterraine et l’amélioration de la qualité de l’eau » (Blanchette, 2018).

En effet, certains milieux humides agissent comme zones tampon lors des périodes de crues, c’est-à-dire qu’ils permettent de régulariser le débit des cours d’eau et ainsi éviter les inondations. Inversement, lors de l’étiage des rivières, ces zones tampon veillent au maintien des débits en relâchant l’eau emmagasinée. De plus, lors du captage de l’eau, les sédiments qu’elle contient sont interceptés par la végétation, ce qui améliore nettement sa clarté. Bref, en plus de diminuer l’impact de catastrophes naturelles, la conservation des milieux humides permet de veiller à la qualité de l’eau, autant en surface que dans la nappe phréatique.

Délimitation et caractérisation de milieux humides

La délimitation et la caractérisation de milieux humides permettent de valider la présence des milieux humides potentiels.

Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous validons un milieu humide, en voici quelques-unes :

  • Les compagnies forestières engagent l’équipe de l’OBV-CM pour valider, ainsi que délimiter les milieux humides. La validation permet d’éviter une modification du bilan hydrique pouvant causer des inondations et donc des pertes de ressources forestières et la création d’ornières lors d’une coupe.
  • Les MRC aménagent le territoire en se fiant aux délimitations des milieux humides validés par l’OBV-CM. Ces données ont contribué à brosser un portrait du territoire précis et fiable, permettant de mieux le gérer et de l’aménager.
  • Pour mieux protéger les milieux humides, les services écosystémiques qu’ils nous offrent et la richesse écologique qu’ils hébergent.
  • Pour préserver la qualité de l’eau tant de surface que souterraine et limiter les événements d’inondations, d’érosion et de sédimentation dans les cours d’eau.

 

L’OBV-CM est mandaté par des particuliers, des compagnies privées, des municipalités et des MRC pour effectuer des caractérisation de milieu naturel, identifiant la présence ou non de milieux humides. Lorsque le milieu est avéré, l’équipe procède à la délimitation de ce dernier selon la méthode botanique prescrite par le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC).

Cette méthode se divise en trois étapes, où trois composantes des milieux humides sont évaluées, soit l’hydrologie, la végétation et le sol. Cette méthode consiste, tout d’abord, à évaluer l’hydrologie du site en vérifiant s’il y a une présence d’indicateur hydrologique qui correspondent à la description d’un milieu humide. Ensuite, un test de sol est réalisé avec une sonde hollandaise afin d’évaluer s’il s’agit d’un sol hydromorphe, c’est-à-dire un sol qui montre des signes d’une saturation en eau régulière. Finalement, l’équipe procède à l’identification des végétaux, autant la strate arborescente que non ligneuse, à partir de la dominance des plantes. Les végétaux sont soit des espèces obligatoires, soit facultatives de milieux humides ou non I. Le recouvrement de plus de 50% de plantes obligées et facultatives ou le recouvrement de plus de 10% de plantes obligées confirment la présence d’un milieu humide. S’il y a au moins deux composantes sur trois (hydrologie, végétation, sol) qui correspondent à un milieu humide, alors il s’agit d’un milieu humide. Le type de milieu humide (étang, marais, marécage et tourbière) est déterminé en fonction du type de végétaux présents et de leur hauteur.

Une fois le milieu humide caractérisé, l’équipe procède à la délimitation. La délimitation est réalisée à l’aide d’un GPS forestier (Garmin GPSmap 60CSx), en identifiant sur place la limite entre le milieu humide et le milieu terrestre.

Cartographie des milieux humides et identification de milieux d'intérêt pour la conservation

Les milieux humides d’intérêt

Les milieux humides d’intérêt sont les milieux à protéger en priorité. Leur identification est réalisée pour l’ensemble de la zone hydrique Charlevoix-Montmorency.

Ces milieux sont identifiés selon leur capacité à remplir des fonctions écologiques utiles pour le territoire. Les fonctions écologiques utiles sont celles qui rendent des services utiles à la gestion des enjeux spécifiques au territoire, par exemple :

  • Dans les secteurs vulnérables aux inondations, une des fonctions écologiques utiles du milieu humide est la rétention d’eau ;
  • Dans les secteurs où l’on cherche à réduire l’apport en sédiments dans les cours d’eau, une des fonctions écologiques utiles du milieu humide est la filtration de l’eau.

 

Deux méthodes sont utilisées pour les identifier : par un inventaire terrain de la valeur écologique du milieu, ou par une méthode géomatique.

Méthode géomatique

La méthode géomatique consiste à sélectionner les milieux humides potentiels selon des critères de localisation et de caractéristiques spécifiques.

Les milieux humides privilégiées en fonction de leur localisation, sont situés :

  • Dans des secteurs de vulnérabilité élevée des aquifères;
  • Dans le bassin versant d’une rivière à saumon, ou dans son habitat potentiel (comme le fleuve).

 

Les milieux humides privilégiés en fonction de leurs caractéristiques possèdent :

  • Une superficie de plus de 10 ha (plus la superficie d’un milieu humide est grande, plus il est en mesure de fournir les services écologiques, telle qu’une plus grande capacité à supporter la biodiversité, la capacité à filtrer l’eau et à laminer des crues, ce qui confère au site une meilleure pérennité);
  • Une partie constituée de marais, d’eau peu profonde ou de tourbières ouvertes (bog et fen).
  • Si un milieu humide ou un complexe de milieu possède trois de ces quatre critères, il est classé comme un milieu humide d’intérêt.

 

Méthode de l’évaluation écologique

L’équipe de l’OBV-CM a développé des grilles d’analyse multicritère, conçues spécifiquement pour le territoire de chaque MRC. Cette grille permet de catégoriser et de hiérarchiser les milieux humides validés sur le terrain, dans le but de leur attribuer une valeur écologique et de pouvoir les comparer entre eux.

Certaines fonctions écologiques principales selon la liste du MELCC sont évalués pour déterminer l’importance des milieux humides. Lors de la caractérisation du territoire, l’équipe de l’OBV évalue à quel point chacun des milieux humides remplissent les différentes fonctions écologiques.

Enfin, les perturbations observées sont notées et des recommandations de conservation et de restauration sont proposées. Ces évaluations permettent de faire ressortir les milieux humides de plus grande valeur et d’intérêt pour la conservation.

La grille d’évaluation écologique comprend plusieurs indicateurs :

  • Spatial : superficie et fragmentation du milieu humide;
  • Biodiversité : présence de perturbations, présence d’espèces à statut particulier, pourcentage de la superficie occupée par les espèces exotiques envahissantes (EEE), la présence de micro-habitats et la connectivité;
  • Hydrologique : hydro-connectivité et la présence d’un bassin versant d’une prise d’eau potable ou d’une rivière à saumon;
  • Socio-culturels : accessibilité et esthétisme ou l’intérêt pour y réaliser des activités récréatives.

 

Chacun de ces indicateurs possède un niveau et un pointage qui lui est propre afin de déterminer la valeur écologique du milieu humide et d’avoir une échelle de comparaison de ces milieux. Les milieux humides qui ont obtenu une note supérieure à 80%, équivalent à une valeur écologique très élevée, ont été inclus dans la liste des milieux humides d’intérêt.

Enfin, il est souvent pertinent de favoriser les milieux humides rares afin de soutenir des compositions végétales qui sont également rares dans un territoire donné. En favorisant ces types de milieux humides sur le territoire de l’OBV, on contribue à diversifier les types d’habitats, ce qui aura un effet positif sur la diversité de la flore et de la faune.

Cartographie

Une fois qu’un milieu humide est identifié, l’équipe de l’OBV-CM procède à sa délimitation sur le terrain avec un GPS forestier. Les points GPS collectés permettent de réaliser une carte du territoire qui illustre, sous forme de polygones, l’emplacement et la superficie des milieux humides. Ces cartes sont partagées aux MRC et aux municipalités afin qu’ils aient les informations les plus à jour sur la présence des milieux humides sur leur territoire.

Suivi des milieux humides en conservation

L’équipe de l’OBV-CM assure le suivi des milieux humides en conservation afin de s’assurer que ces milieux ne soient pas perturbés et qu’il n’y ait pas d’atteinte aux fonctions écologiques qu’ils rendent à la population. 

Sources :

BLANCHETTE, Marianne. INRS. 18 avril 2018. Services hydrologiques rendus par les milieux humides dans un contexte dynamique d’occupation du territoire : étude de cas du bassin versant de la rivière Saint-Charles. Repéré à : http://espace.inrs.ca/id/eprint/7630/1/T868.pdf 

MELCC. 2021. Milieux humides. Repéré à : https://www.environnement.gouv.qc.ca/eau/rives/milieuxhumides.htm 

RAPPEL. 2021. Milieux humides. Repéré à : https://rappel.qc.ca/fiches-informatives/milieux-humides/ 

 

Si vous avez des questions sur la délimitation, la caractérisation et le suivi des milieux humides, contactez-nous : info@charlevoixmontmorency.ca